J’avais fait connaissance avec quelques œuvres photographiques de l’artiste de street art JR au château Labottière et j’imaginais déjà l’ampleur de son travail partout dans le monde.
Le voici pour quelques jours encore à la Base sous-marine avec son film court-métrage de 15 mn si particulier puisque le film poignant se reflète dans le bassin d’une alvéole de la Base.
Les visages sont partout sur les murs de la forteresse en béton, sur les piliers de soutènement, sur le sol. Ils nous ouvrent le chemin et nous conduisent en croix vers la salle de projection.
J’ai vu le film la semaine dernière et j’ai été happée par la force de ce lieu qui accueillit à Ellis Island, à New York, des migrants de 1892 à 1954.
15 minutes suffisent pour raconter le point de passage obligé de tous les migrants. JR a travaillé à partir des archives et installé pour faire revivre la mémoire des lieux une vingtaine de collages.
Que de contrastes entre nos visages souriants et ceux qui ont hanté ces lieux sinistres!
Que de similitudes entre cette Base sous-marine où je ne pénètre jamais sans avoir une pensée pour tous ces prisonniers et exilés qui la construisirent sous la férule des allemands et payèrent souvent de leur vie liée pour certains à tout jamais au béton. Une stèle à la mémoire des Républicains espagnols nous le rappelle au dehors.
La Base sous-marine attire et repousse.
Les expositions d’une grande qualité y sont toujours gratuites.
Le film de JR fait partie d’un projet plus vaste : « Unframed Ellis Islands » pour lequel je mets des liens à la fin de l’article.
J’ai beaucoup aimé ce court-métrage si actuel ; j’ai ressenti une grande émotion en pensant à ces flots de migrants qui jamais ne se tarissent tant il y a des foyers de conflits dans le monde. La personnalité de Robert de Niro avec sa sobriété et les mouvements lents happés par les reflets se marie à merveille au scénario d’ Éric Roth.
La magie de JR consiste à faire se rencontrer des espaces improbables avec des personnages incisifs, le tout au service de l’Histoire et des grandes causes que l’on ne défend jamais assez joue à plein. C’est poignant, beau dans l’horrible suggéré : c’est une expérience unique. J’en ai été troublée.
Aussi ai-je souhaité revoir le film et parcourir la galerie de portraits locaux encore une fois aujourd’hui. Cette deuxième lecture m’était nécessaire pour m’imprégner encore plus de l’atmosphère
Il neigeait sur Ellis Island quand le film a été tourné : c’est un monde que je n’oublierai pas.
Remarque: j’ai pris aujourd’hui quelques photos du film dans un coin de la salle, volontairement, pour ne pas gêner les spectateurs.
http://www.jr-art.net/fr/news/unframed-ellis-island