« Conques, 104 attaques de lumière ». CHRISTIAN BOBIN/ LA NUIT DU CŒUR
Conques. Ton abbatiale m’attirait comme un aimant. Tu avais la saveur d’un rêve auquel je ne pensais jamais frotter mon âme en quête de beauté.
Quelqu‘UN a pensé cette approche, pour nous, alors que…
L’abbaye Sainte-Foix connue comme un joyau roman, avait été abandonnée à son triste sort après la Révolution. Elle fut sauvée par PROSPER MÉRIMÉE, devenu inspecteur des Monuments Historiques en 1834.

A mesure que nous arpentions la rue principale menant à l’abbaye que nous abordions par l’est, se dessinait l’arrondi des chapelles rayonnantes, la pureté de leurs lignes, leur harmonie, la couleur chaude des pierres. Ce fut déjà le premier ravissement, une sensation d’équilibre et de beauté dépouillée.


« L’abbatiale sur les plans a la forme d’une marelle. »

« A Conques les vivants du onzième siècle ont construit un grand campement de pierre avec du vide au milieu. Au vingtième siècle, un vivant a eu l’idée d’améliorer le campement, de construire des vitraux si simples qu’ils ne raconteraient aucune histoire et serviraient de bain-douche de lumière pour les âmes épuisées. »
CHRISTIAN BOBIN


*
Entrons.
Puisque je suis arrivée là,
Je prendrai bien quelques rais de lumière
Posés à dessein à même la peau, les yeux
Le temps d’épouser l’ombre rafraîchissante.
S’arrêter, figer l’espace et l’instant
S’arrêter ou déambuler, chercher la nuance
Oublier le ciel, le chant de l’automne
Goûter à la pénombre , épouser son nuancier
Entrer dans les jeux colorés par le bout
De la sérénité.

PIERRE SOULAGES a conçu avec un maître verrier JEAN-DOMINIQUE FLEURY les 104 vitraux achevés en 1994. Ils diffusent la lumière à la manière des fines lames d’albâtre utilisées au Moyen-Âge. Ils laissent passer la lumière aux tons de bleu, gris, orangé selon la saison et les heures du jour, mais ne sont pas transparents.

PIERRE SOULAGES a inventé un extraordinaire verre translucide et minéral capable de filtrer la lumière pour ce lieu qu’il avait découvert tout jeune, à 12 ans et pour lequel il avait eu un coup de cœur. Situé à 38 km de Rodez où se trouve le musée Soulages,le village de Conques qui l’avait marqué profondément a été pour lui un long objet d’étude de la manière de traiter l’ombre et la lumière dans les édifices religieux. La conception des vitraux est un chef-d’œuvre de beauté simple qui respecte les colorations des pierres venues de 3 carrières différentes : calcaire jaune, grès rose et schiste gris-bleu, ainsi que les canons de beauté du Moyen-Âge.

« Loin, très loin, chaque vitrail de Conques délivre un chant de rivière.
On voit dans les vitraux de petites bulles comme si un nageur avait plongé dans un océan et que de l’air, échappé de ses poumons, remontait à la surface jusqu’à nous. Ce verre au matin a un gris douanier.«

Entrer dans l’abbatiale et se laisser pénétrer par l’atmosphère, déambuler et regarder la lumière changer au fil des heures, s’asseoir, ne plus penser à rien d’autre, sortir car l’émotion est trop forte, revenir pour prendre un autre bain de lumière dans l’après-midi qui avance, puis enfin s’ouvrir au reste de l’abbaye. Il restera toujours les heures du matin à découvrir, car nous n’avons pas assisté à l’éveil des verrières,à l’émergence du » gris douanier. » il reste tant et tant à vivre. Et comme le souligne CHRISTIAN BOBIN, je crois que je n’ai même pas songé à prier!

« Dès le début, je n’ai été animé que par la volonté de servir cette architecture telle qu’elle est parvenue jusqu’à nous, en respectant la pureté des lignes et des proportions, les modulations des tons de la pierre, l’ordonnance de la lumière, la vie d’un espace si particulier. Loin de tout Moyen Âge reconstitué, imité ou rêvé, j’ai cherché, avec des technologies de notre époque un produit verrier en accord avec l’identité de cette architecture sacrée du XIe siècle et de ses pouvoirs d’émotion artistique ».
PIERRE SOULAGES.


