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Le soir sur la façade de la Bibliothèque de Mériadeck: la signature des « 3 M »

« Depuis quelque temps, les accents grognaient. Ils se sentaient mal-aimés, dédaignés, méprisés. À l’école, les enfants ne les utilisaient presque plus. Chaque fois que je croisais un accent dans la rue, un aigu, un grave, un circonflexe, il me menaçait.

-Notre patience a des limites, grondait-il. Un jour, nous ferons la grève. Attention, notre nature n’est pas si douce qu’il y paraît. Nous pouvons causer de grands désordres. Je ne prenais pas les accents au sérieux. J’avais tort. »

La révolte des accents Erik Orsenna

 

LA RÉVOLTE DES ACCENTS

ERIK ORSENNA de l’ACADÉMIE FRANÇAISE/

Stock

*

Sur fond de réforme orthographique partielle, montée en épingle ou portée à la connaissance de chacun par des journalistes semeurs(friands?) d’alertes, il est bon parfois de revenir se plonger au pays des mots et dans la belle langue qui est la nôtre.

Certes son apprentissage est ardu, riche en sensations mais nous assistons souvent aujourd’hui à une sorte de débâcle, un nivellement par le bas.

Face à la querelle de l’accent circonflexe, ne vaudrait-il pas mieux remonter le cours du temps dans l’histoire de la langue pour donner du sens au « chapeau chinois » de notre enfance ?  Avec lui, les homophones  s’y comprennent par le recours à la langue écrite. Lui, l’accent circonflexe, l’objet de toutes les attentions, est apparu au XVIème siècle et s’est normalisé au siècle suivant. Il est aussi le témoin d’une langue dérivée du latin et peut remplacer une lettre disparue, un « s » ou bien une autre lettre encore : une lettre affaiblie, disparue, rappelée par l’accent circonflexe. Mais pas seulement…

Je garde pour ma part le souvenir de belles découvertes de la langue française et j’éprouve de la reconnaissance pour tous ceux et celles qui, instituteurs ou professeurs de collège, de lycée ou de l’enseignement supérieur m’ont permis d’étudier dans le plaisir, le vocabulaire, la grammaire, les conjugaisons, la phonétique, les analyses logiques, la littérature ; puis il y eut ceux qui ont nourri mes réflexions sur la langue et m’ont donné les moyens d’éveiller les enfants aux plaisirs de l’apprentissage de la langue, aux plaisirs de la lecture.

Mon désarroi est bien plus profond encore, devant notre langue écorchée, malmenée où le futur se dissout dans le conditionnel et surtout devant un « franglais » où l’anglais est devenu dominant,  le français prenant la place très inconfortable du dominé.

En prenant de l’âge, j’éprouve la désagréable sensation personnelle, d’employer la langue en sous-régime, avec un corpus de mots restreint par rapport aux si riches possibilités qu’offre le français. Heureusement, je rencontre sur ma route des amoureux de la langue, des anonymes et d’autres dont je peux lire les blogs et puis le plaisir de la littérature ne fait que grandir. Le temps presse : il y a tant et tant à découvrir, lire et relire.

Lorsque je faisais mes premiers pas sur le net, il y a un peu plus d’une dizaine d’années, j’ai tout de suite été sensibilisée à l’emploi du mot juste, par des défenseurs de la francophonie. Pour eux, point de «  bon we » qui était déjà passé dans les mœurs mais « une bonne fin de semaine »… Je compris que nous français, moi la première, étions en train de baisser les bras.

Afin de nourrir la réflexion, je tiens à vous présenter en plus du livre d’ERIK ORSENNA cité en préambule, quatre livres, quatre personnalités complémentaires, qui peuvent nourrir la réflexion sur la langue française : l’auteur d’un essai, une anthropologue , une romancière et un linguiste.

*

De quel amour blessée... Alain Borer

RÉFLEXIONS SUR LA LANGUE FRANÇAISE

ALAIN BORER

PRIX FRANÇOIS MAURIAC 2015

  Sur le bandeau de présentation est écrit : « avis de tempête »

 

Il s’agit d’un essai dans lequel ALAIN BORER, poète, romancier, professeur… amoureux de la  langue avant tout, sème la tempête.

Il s’interroge sur les spécificités de la langue française et déroule sa prise de position avec des mots très durs envers nos voisins, nos politiques, nos concitoyens et nous-mêmes.

Le titre est extrait de Racine :

« Ariane, ma soeur, de quel amour blessée Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ! »

Comment prendre conscience que notre belle langue disparaît sous nos yeux et avec elle la civilisation qui s’y rattache ? Elle s’efface, sans combattre, au profit de la langue anglaise.

Ce livre érudit, écrit pour des spécialistes délivre cependant son message d’amour à qui voudra se pencher sur ses pages. On y apprend beaucoup dans des chapitres courts, incisifs qui réveillent notre culpabilité avant de nous insuffler l’énergie et la connaissance nécessaires à la défense de la langue.

Nous y apprenons par exemple que la Grande Bretagne a accueilli 37000 mots français à partir du XIème siècle et que l’anglais est du français à 63% !

Segalen disait  à propos des Maoris : «  En perdant ses mots, on perd son âme »

Si vous lisez ce livre, vous ne verrez plus jamais notre langue de la même façon. Et vous vous surprendrez à être  soudain beaucoup plus vigilants… Vous revivrez aussi certains épisodes de notre Histoire avec un éclairage nouveau. Vous apprendrez beaucoup. Vous ne retiendrez pas tout mais l’essentiel sera gravé en vous.

*

Le goût des mots Françoise Héritier

LE GOÛT DES MOTS

FRANÇOISE HÉRITIER

ÉDITIONS ODILE JACOB

Les mots ont un pouvoir : ils peuvent nous sauver. La crise que nous traversons n’est pas seulement économique mais elle est aussi morale et nous vivons dans la morosité.

Afin de retrouver le goût des mots, leur couleur, leur matière et nos étonnements d’enfance face à la langue, FRANÇOISE  HÉRITIER nous convie à puiser dans le trésor des mots avec joie, en explorant plusieurs pistes : celle du mystère, celle de l’imagination qui retrouve une certaine brillance, celle des émotions et des perceptions au plus près de notre corps.

FRANÇOISE  HÉRITIER explore les mots avec délectation, gourmandise, sensualité. Elle crée des listes pour le plaisir et sur plusieurs registres que j’ai eu la joie d’emprunter sur ses pages.

C’est un livre jouissif.Un livre qui invite aussi le lecteur à entrer dans le jeu et à prolonger la lecture avec ses propres mots.

« Je suis entourée de mots dans une forêt bruissante où chacun se démène pour attirer l’attention et prendre le dessus, retenir, intriguer, subjuguer, et chacun aspire à ces échappées belles. Comme si on les sortait de leur prison. On entre dans le domaine de la joie pure. Tous ces mots qui se déhanchent, se désintègrent, ondulent autour de moi et m’entraînent dans la grande ronde de la fantaisie première. Avec le bricolage surprenant et inattendu des figures qui surgissent alors, on entre dans le grand capharnaüm de la liberté créatrice où tout est permis. »

*

Chantiers Marie-Hélène Lafon

CHANTIERS

MARIE-HÉLÈNE LAFON

ÉDITIONS DES BUSCLATS

Là aussi l’amour de la langue éclate à chaque page avec le souci de cerner les idées, les souvenirs, les émotions avec les mots justes. L’écriture est généreuse, joyeuse, précise, fluide. C’est la danse des synonymes, notamment chez les adjectifs. MARIE-HÉLÈNE LAFON nous régale d’une belle langue classique et cependant si actuelle, si ancrée dans la chair.

Chantiers signe un corps-à-corps avec l’écriture, un ouvrage sans cesse remis en chantier et qui aboutit à des livres ouverts au monde.

Chantiers : un petit livre précieux à lire et relire.

*

Le Voyage des mots Alain Rey

LE VOYAGE DES MOTS

ALAIN REY

De l’Orient arabe et persan vers la langue française

Calligraphies de Lassaâd Metoui

 

Ce livre m’a été offert par une amie. C’est un très beau livre, un de ceux que l’on ne range pas et dans lequel on chemine dans l’Histoire et l’histoire des mots. C’est un carnet de voyages original qui nous montre les langues en mouvement.

Il est au confluent d’un livre consacré à la langue et d’un livre d’art. En fait il s’inscrit parfaitement dans les deux registres car il s’agit d’une conversation entre le linguiste, lexicographe érudit et le calligraphe qui s’inspire aussi bien de Hartung que de Soulages.

Sur la route des deux cultures, ALAIN REY nous montre comment les mots voyagent et viennent enrichir la langue où ils viennent se poser.

Ma page préférée est celle qui suit les pérégrinations du mot  » houle » à ses origines, avec ses hésitations, ses pistes sûres, et pour finir ses certitudes.

«  La houle est la respiration des mers. Calme, régulière, faible, elle berce ; forte, haletante, puissante, elle menace.

D’où vient la houle ? De partout où le vent souffle sur l’océan. »

Mais d’où vient le mot ? Beaucoup de mots se rapportant à la navigation viennent des pays nordiques mais une autre piste passe par les récits de voyages maritimes, des histoires qui s’y rattachent, prend sa source en Inde, avant de gagner la langue arabe et de nous revenir par L’Espagne. Le mot « houle » apparu en Espagne en 1403 n’est remonté qu’un siècle plus tard chez nous.

Je laisse à ALAIN REY cette note d’espoir citée dans sa préface :

« Cependant les mots ne sont pas des vivants ;ils peuvent s’effacer, mais non pas mourir ».

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Montaigne, Montesquieu, Mauriac

 

SECOND PAS JANV ( BIS )16 011

« OBJETS TROUVÉS »

un cairn élevé dans le Golfe du Morbihan

une photo que je lui emprunte

une dédicace

de ROGER DAUTAIS à mon intention

sur

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

sur sa route 73, billet du 18 janvier 2016

*

« Nommer chaque chose à part

          est le commencement de tout

Mais dire ce qui surgit d’entre elles

         toujours neuf

                      et imprévu

C’est

          Chaque fois

                       re-commencer le monde… »

FRANÇOIS  CHENG/ A l’orient de tout

 

Juste pour faire mentir avec  l’œuvre de Roger Dautais et avec ALEXANDRE JOLLIEN, ceux qui nous préféreraient « pauvres et muets, sans paroles et sans rêves »

Vous l’aurez peut-être apprécié lors de l’émission LA GRANDE LIBRAIRIE, en compagnie de MATTHIEU RICARD et CHRISTOPHE  ANDRÉ   à l’occasion de la parution du livre qu’ils ont conçu ensemble: « Trois amis en quête de sagesse » L’iconoclaste Allary éditions

***

MES MOTS:

DE LA VIE MINUSCULE A LA VIE MAJUSCULE

OBJETS TROUVÉS

*Dans ce chaos moutonné

Objets Trouvés, êtes-vous une arme

Un lance-pierre à l’horizon

Un va-et-vient du temps

Un passage à la mer

Une respiration en marge

Entre ce qui s’offre

Ce qui se désire

 Et ce qui s’élève

Au gré des courants ?

 

*Celui  qui s’appuie

Sur l’épaule de pierre,

De pierre secourable,

Lui, Sur la tranche hissé

Est-il l’homme de pierre,

Au cœur battant

Ou bien  son compagnon

L’homme de sang

Au galbe si poli ?

Entre nuages et vent

Soumis au cri des bernaches

Danse de plume, danse sa  pierre

Toque le cri des éléments

A coups de becs et d’ongles.

 

*A l’hiver Les Objets Trouvés

Font flèche atout ciel

Au détour d’une moue

Soudain, ils sortent du chaos

 Et se déploient en rêves inassouvis.

Cruauté et violence

N’ont pas dit leurs derniers mots.

*L’homme siffle le début de la partie

Evite  l’affrontement quand pulse son sang.

Les mains usées de tout hisser

Le corps brisé mais

La tête dans les étoiles

Au cirque, le dompteur

Face  aux domptés des  embruns jamais lassés

Offre de clairs échos aux fragances de liberté.

Le chant des paroles rivières, presqu’île ou grève

Lui donne corps, lui redonne vie.

 

*Le chant des baies et des pierriers

Crisse sous les pas

Quand jaillit la lumière, l’impalpable vie

Celle que l’on sent frémir sous la peau

Des mots… Objets trouvés au détour d’un rêve…

Maïté L

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au matin devant chez moi

Aube

Un merle joyeux dans le cerisier a chanté.

Le ciel d’aube de mille feux s’est paré

C’est le premier oiseau de l’année nouvelle

Qui chante, s’éveille et nous offre sa ritournelle

Vois ce premier matin d’orange et de miel

Il est fidèle à notre  rendez-vous annuel

2016  en qui nous mettons tous nos espoirs…

Qu’importe ! Le merle a chanté sur son perchoir

Une pensée pour tous ceux et celles qui souffrent

Qu’ils trouvent ici un peu de réconfort au bord du gouffre

Un peu de douceur, une main tendue, un sourire

Un peu de poésie, un soupçon d’avenir, la force d’écrire

LA VIE.

Maïté L

 1er janvier 2016

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dire  » bonne année » c’est souhaiter le meilleur à chacun du fond du cœur

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Je vous souhaite le meilleur, dans la lumière.

Une pensée particulière pour une de mes fidèles lectrices, Anne qui est dans la peine et dans le chagrin.

Une pensée particulière pour Colo, afin que 2016 soit gaie, pétillante et sans les soucis de 2015.

Une pensée pour chacun et chacune d’entre vous.

Une pensée pour le monde comme il va.

Maïté

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le sable muselé?

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pas à pas la mousse

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petit poisson et main secourable

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si légère

Un printemps en hiver

Une bulle douce – Un chuchotis à mon oreille

Sur le chemin de la dune – Sur le bois qui bat la cadence

Chaud le sable emprisonné s’enfonce – Les pas dans les pas

Puis le roulis, la mer bigoudi- la mer sourire, la mer à découvert

Du bleu – Ciel mon hiver- Ce sera demain sur le calendrier

Et puis caresser les couleurs- Goûter les odeurs

Sur la palette des bleus- Le ciel -La lune s’invite sur la portée

Des tracés – les lignes des avions- Recti- Lignes

Et fauve la mer- si petit poisson abandonné –La  marée

S’en est retournée sans lui- Remis à l’eau : se sauvera-t-il ?

Ballet limicole, les gravelots en tenue de neige

Glissent, courent après le ressac- Minuscule vie

Doux le fil de la mousse brillante-Abandonnée, bousculée

Les pas sur le sable- à perte de vue-Se perdent dans la brume

Léger le temps du rêve –le soleil baisse déjà à l’horizon

Vif argent du contre-jour- Au retour je marche à l’envers

Du décor  –Uniformément lumineux- Argent du soir

A l’endroit, la mer s’émeraude au creux des boucles

Se brise, explose en écume lointaine- très lointaine

Les vagues du jour-Calme la marée s’efface

Sauf si elle nous rattrape par le mollet- Sauf si je l’oublie

A écrire l’hiver sur le sable-Calligraphie du jour

Mon amie la plume-De mer- D’oiseau –Quel oiseau ?

L’oiseau de mer ? L’oiseau de terre ? L’oiseau de papier

Dans le ciel- S’envole- S’en va l’oiseau de terre

Fin du roulis- S’efface sur le sable, l’éphémère calligraphie.

Dans la tête, Noël au printemps, L’hiver et la marée

La marée, je l’ai emportée – Sur les lèvres- Au fond du cœur.

21 décembre 2015

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bleus de ciel, bleus de mer, brume douce mousse

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à la pêche

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à la course

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un printemps en hiver.

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Hep! Père Noël c’est par ici les petits souliers!

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le cheminement sans fin de l’horreur

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des hommes

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des martyrs

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sur le chemin de la barbarie

La littérature a toujours été une arme de résistance, un moyen de se retrouver autour d’idéaux communs. Plus que jamais, il me semble important d’écouter la voix des poètes, des écrivains, qui ont vu, ou bien d’hommes  qui comme Boris Cyrulnik nous mettent en garde contre le fanatisme,  « la soumission euphorisante » et les catalogues « de mots à réciter sans penser ».

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l’éducation , la culture contre l’obscurantisme

*

Un poème  qui prend toute sa force lorsqu’on le lit à haute voix:

Oradour

« Oradour n’a plus de femmes

Oradour n’a plus un homme

Oradour n’a plus de feuilles

Oradour n’a plus de pierres

Oradour n’a plus d’église

Oradour n’a plus d’enfants

 

Plus de fumée plus de rires

Plus de toits plus de greniers

Plus de meules plus d’amour

Plus de vin plus de chansons.

 

Oradour, j’ai peur d’entendre

Oradour, je n’ose pas

approcher de tes blessures

de ton sang de tes ruines,

je ne peux je ne peux pas

voir ni entendre ton nom.

 

Oradour je crie et hurle

chaque fois qu’un coeur éclate

sous les coups des assassins

une tête épouvantée

deux yeux larges deux yeux rouges

deux yeux graves deux yeux grands

comme la nuit la folie

deux yeux de petits enfants :

ils ne me quitteront pas.

 

Oradour je n’ose plus

Lire ou prononcer ton nom.

 

Oradour honte des hommes

Oradour honte éternelle

Nos cœurs ne s’apaiseront

que par la pire vengeance

Haine et honte pour toujours.

 

Oradour n’a plus de forme

Oradour, femmes ni hommes

Oradour n’a plus d’enfants

Oradour n’a plus de feuilles

Oradour n’a plus d’église

Plus de fumées plus de filles

Plus de soirs ni de matins

Plus de pleurs ni de chansons.

 

Oradour n’est plus qu’un cri

Et c’est bien la pire offense

Au village qui vivait

Et c’est bien la pire honte

Que de n’être plus qu’un cri,

Nom de la haine des hommes

Nom de la honte des hommes

Le nom de notre vengeance

Qu’à travers toutes nos terres

On écoute en frissonnant,

Une bouche sans personne,

Qui hurle pour tous les temps. »

Jean Tardieu, Les Dieux étouffés (1944)

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l’acharnement

*

« Nous n’irons plus à Compostelle

Des coquilles à nos bâtons

A saints nouveaux nouveaux autels

Et comme nos chansons nouvelles

Les enseignes que nous portons

 

Que nos caravanes s’avancent

Vers ces lieux marqués par le sang

Une plaie au coeur de la France

Y rappelle à l’indifférence

Le massacre des Innocents

 

Vous qui survivez à vos fils

En vain vous priez jour et nuit

Que le châtiment s’accomplisse

Et la terre en vain crie justice

Le ciel lui refuse la pluie

 

O mamans restées sans amour

Sur les tombes de vos héros

La même lumière du jour

Baigne les ruines d’Oradour

Et les yeux vivants des bourreaux

 

Aux berceaux d’Oradour demain

Pour qu’on ne revoie plus la guerre

Semer la mort comme naguère

Dans le monde entier se liguèrent

Près d’un milliard de cœurs humains

 

Que la paix ouvre enfin ses vannes

Et le peuple dicte ses lois

Nous les faiseurs de caravanes

T’apportons Oradour-sur-Glane

La colombe en guise de croix . »

 Louis Aragon Juin 1949

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même l’église a l’air effrayée

*

Parce que…

« Devenir lecteur c’est oser rencontrer quelqu’un qui n’est pas comme soi et qui me fait découvrir un autre monde. Alors je peux découvrir le monde d’une  autre civilisation, d’une autre pensée et je me mets à douter et le doute c’est le premier pas vers la liberté… »

Boris Cyrulnik /  émission La Grande Librairie, juste après les attentats.

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comme des pics de mémoire, des pieux enfoncés dans notre chair.

Après la visite d’Oradour-sur-Glane, après les attentats, j’ai cherché, comme beaucoup d’entre nous à comprendre. Allais-je relire  Yasmina Khadra et « Les sirènes de Bagdad « ? Mon choix s’est finalement porté sur  « La Peste » de Camus, dont je veux ici donner à méditer la conclusion :

“Écoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait, où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.”

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une porte d’avant la Révolution.

 La victoire sur un fléau n’est jamais définitive. La racine du mal n’est jamais éradiquée d’où l’importance pour chacun d’entre nous  d’accomplir notre devoir de mémoire :

 » La mémoire est une chambre noire dans laquelle se joue l’histoire, et tente, aujourd’hui, de se faire un peu de jour. Sur le lieu de l’impensable, tout regard est une question. Voir Oradour, c’est prendre sur soi un peu du poids de l’histoire. Ainsi vont les visiteurs dans les ruines.

Gilles Plazy, journaliste, écrivain

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au début du champ de foire

Pour qu’il ne reste pas que des ombres…

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L’arbre fièrement dressé ne meurt pas, le souvenir non plus.

*FIN*

VIGILANCE.

 

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des ruines et des carcasses rouillées

*

« La vie ne vaut peut-être rien mais rien ne vaut une vie »

André Malraux

*

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la première maison aperçue

On peut passer la journée à Oradour-sur-Glane et encore n’arrive-t-on pas à tout voir. Pas étonnant que le billet soit valable toute une journée.

Nous consacrerons l’après-midi à la visite du village martyr auquel on accède par un long couloir en sous-sol.

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destruction systématique

*

« Les déportés , les massacrés n’ont plus que nous pour penser à eux . Les morts dépendent entièrement de notre fidélité »

*

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Le ciel est si bleu même dans les trous béants des fenêtres

Il fait chaud. Une sorte d’été indien qui nous rend incrédules ;ce ciel bleu sans aucun nuage pourrait gommer l’émotion, édulcorer la vision. Il n’en sera rien. On entre dans le village comme on entre dans les cimetières militaires près des plages du Débarquement ou ailleurs en France : avec respect, en sachant ce que l’on va voir mais sans jamais mesurer toute la force de ce qui s’y trouve. Pourtant le film nous y avait préparés. On entre dans le village martyr en « silence », la pancarte posée près de cet arbre majestueux nous y invite. Puis on progresse pas à pas, on s’avance pour regarder par des semblants de fenêtres ou plutôt des murs en cratères.

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silence

Des arbres comme celui de l’entrée,  il y en aura. Ils semblent avoir pris de la place, s’être étoffés au fil du temps pour rendre hommage à ceux qui les ont plantés. Ils sont la vie, les seuls êtres vivants qui se souviennent avec les rescapés de la vie qui fourmillait autour d’eux. Les arbres ont plus de constance que les hommes : ils se souviennent par exemple de ce champ de foire où furent rassemblés les habitants ; ils poussent même sur les ruines.

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place du champ de foire

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au milieu des ruines

Plus on avance dans les rues du village, plus on imagine la vie de ce bourg prospère organisé autour du train qui le reliait à Limoges et à Saint-Junien.

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une si longue rue

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la pompe à essence et les rails

toutes ces boutiques ! Tous ces artisans. Il y a là des boulangeries, des boucheries, des garages,la pompe à essence, des cafés, des couturières, dentiste  magasin de laine, forgeron, carrier puisatier,  menuisier,  sabotier, courtier…

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un des garages

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un forgeron

Nous irons jusqu’au cimetière  et nous apercevrons le monument construit en hommage aux victimes mais nous n’irons pas plus avant. Difficile quand l’horreur le dispute à l’horreur.

Partout des ruines, des restes de vie arrachée à la machine à coudre, à la faucheuse, à la voiture, au vélo. Beaucoup de machines à coudre, des voitures d’enfants…des carcasses de voiture…

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une des nombreuses voitures

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vélo posé sans doute à la hâte

Nous irons jusqu’à l’église à ciel ouvert…Là où furent massacrés les femmes et les enfants. Insoutenable.

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l’église

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Nous croiserons plusieurs fois les militaires qui sillonnent le lieu de mémoire en silence. Nous échangeons  parfois des sourires jaunes. Une adolescente venue avec sa famille consulte son téléphone et lit des détails  aux adultes attentifs.

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contraste des éléments

Il nous reste à voir encore tout un pan de village, celui qui touche le nouveau village. Je n’aurais pas voulu partir sans voir l’Ecole des Filles et Celle des Garçons un peu plus loin. Je ressens là peut-être la plus immense peine ; je me recueille quelques instants dans des lieux similaires à ceux que j’ai pu connaître dans ma vie d’enfant ou professionnelle à la campagne : la cour, le préau, les platanes et les wc au fond de la cour…

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école des Filles

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silence

Nous terminerons par la gare et nous déclarerons forfait pour le bout de la dernière rue. Que les morts nous pardonnent car nous étions arrivés  au bout du supportable.

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la gare et ce qu’il en reste. Ora pro nobis?

ET POURTANT, nous n’avions pas encore tout vu…Nous avions gardé la visite du puits pour le chemin du retour… Le puits où les SS ont entassé les cadavres. Là, nous avons eu réellement l’impression de marcher sur des êtres vivants. Tout près des deux faucheuses tout juste rouillées…

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le puits de la barbarie

« Hélas ! En ce dix juin , l’homme ivre de leur sang
Brûla les habitants, Oradour et l’enfant .
On jeta dans mon sein des vivants de passage,
Et des blessés fuyant cette horde sauvage ;
Aux affres d’agonie en leurs cris douloureux
Depuis ce jour, ma source…elle appartient aux Dieux.

Aux multiples des temps à chaque décennie
La voix de l’innocent dira l’ignominie.
C’est moi : » Le puits tragique » où se tarit mon eau;
Aux silences des ans, je ne suis qu’un tombeau… »

Poème de L Morlieras qui a perdu une sœur à Oradour

*

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comme si de rien n’était

Restait pour moi à faire des choix pour cette partie du récit de ce qui est une sorte de pèlerinage : j’ai souhaité éviter l’écueil du voyeurisme. Tout le monde photographie mais quelles photos montrer ? Comment faire passer un message sans le risque du « beau » point de vue, rendu « plus beau » grâce au cadrage et au ciel bleu ? C’est l’émotion qui prime, le sentiment de l’horreur.

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encore et toujours

Certains artistes ont été touchés par le massacre d’Oradour-sur-Glane et se sont exprimés avec leurs armes : par exemple

 André Masson a réalisé  «  La Suppliciée » (par le feu)( dessin au  fusain, encre de chine et craie sur papier teinté).

Picasso un  dessin gouaché réalisé je crois dans le Livre d’Or : « L’enfant d’Oradour ».

Fernand Léger a rendu hommage aux victimes par un dessin en 1947.

Marcel Grommaire a réalisé un dessin

André Fougeron a réalisé un diptyque « La vie renaît à Oradour »

*

à suivre avec dans le prochain billet les mots des poètes.

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approche du centre de la Mémoire… au loin les vaches

A JEA,

dont le souvenir m’a accompagnée dans cette visite. le 11 novembre 2015
« Dans les couches molles de l’oubli, 
au milieu de ces morts qui n’existent plus …
Rallumer la flamme de vie… 
Frotter entre elles les pierres du silence. »

                                           Claude Duneton

Citation extraite du carnet de JEA par ses proches.

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pour éviter la transparence de l’oubli

Oradour-sur-Glane se trouve à une trentaine de km du berceau de la famille de mon mari et d’ailleurs mon beau-frère, l’aîné de la fratrie, se souvient de ces jours-là où adolescent, il attendit son oncle pour partir se cacher dans les bois et échapper ainsi à d’autres possibles tueries vengeresses. Le massacre d’Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944 était parvenu aux oreilles   des villages à la ronde, peut-être l’odeur aussi.

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premières ruines; notre sang se glace.

Il y avait déjà eu Lidice (République Tchèque )(10 juin 1942),Khatyn (Biélorussie) (en 1943) , Ascq ( 1er et 2 avril 1944), Izieu ( 6 avril 1944), Frayssinet le Gelat (21 mai 1944), Tulle( 9 juin 1944) ; il y aura Savigny en Septaine( juillet et août 1944), Marsoulas ( le même jour qu’ Oradour),  le Vercors ( été 1944).

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Bernard Bégaud, professeur de Pharmacologie à Bordeaux s’est attaché à l’étude d’une drogue nommée « Captagon », celle qui donne l’illusion d’être tout puissant. Pendant la seconde guerre mondiale, les combattants des armées en prenaient ; le coureur cycliste Tom Simpson en est mort. La division Das Reich qui a perpétré les crimes contre l’humanité à Oradour-sur-Glane était sous son emprise, tout comme Daech l’est actuellement.

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nous attendions cet instant depuis longtemps

10 juin 1944… un petit village du Limousin entre à jamais dans l’Histoire.

 Oradour-sur-Glane, un village prospère à quelques kilomètres de Limoges sera rayé de la carte par la division SS « Das Reich ».

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silence, cœur lourd et larmes

Le général Lammerding a donné l’ordre de ce génocide qui sera suivi d’un outrage aux cadavres puisque la destruction méthodique avec pour objectif d’effacer les traces, s’étalera sur 3 jours.

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des survivants à la blessure intacte, pour témoigner jusqu’au dernier souffle

Il y eut 642 victimes dont 198 hommes

                                                           244 femmes

                                                                       193 enfants.

                                                                                         6 survivants.

Parmi les victimes 15 espagnols, 8 italiens, 40 lorrains, 7 ou 8 alsaciens, 3 polonais.

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Dans une cour ou ce qui fut l’intérieur d’une maison, comme dans tant d’autres

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sans distinction d’âge

« Vous qui vivez donnez une pensée aux morts »
Victor Hugo

 

 Le Général de Gaulle prit la décision en 1944 de ne pas reconstruire le village et de garder les ruines en l’état.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_d%27Oradour-sur-Glane

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à l’entrée de l’église

« Ici des hommes firent à leurs mères et à toutes les femmes la plus grave injure : ils n’épargnèrent pas les enfants »

Paul Eluard 1944

 

Devoir de mémoire pour nous tous.

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SILENCE à l’entrée du village martyr

 

 « Ceux qui oublient le passé se condamnent à le revivre. »

Georges Santyana

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L’entrée du village martyr?

En 1999 fut inauguré le bâtiment  du Centre de la Mémoire. On y accède par une vaste esplanade et le bâtiment est enfoui sous terre afin donner la prééminence au Village martyr. Il fait si beau ce 11 novembre 2015. Le ciel est d’un bleu lumineux et la température est estivale. Nous apercevons les premières ruines. C’est en silence que nous découvrons ces lieux verdoyants qui semblent paisibles alors que tout n’est que lourdeur de l’air ; Si la pluie a lavé ces coteaux de larmes, si le vent a emporté les odeurs de feu des premières années, si le soleil a fait son œuvre, on n’évoque jamais Oradour sans frissons. On pourrait presque y entendre sonner le glas bien que la nouvelle église du nouveau village égrène ses heures d’un timbre qui se veut joyeux. La vie continue. La vie n’oublie pas. Nous n’oublions pas. Pas plus que ces jeunes lycéens qui nous emboîtent le pas, ces anglais, et plus tard dans le village ces militaires venus en visite. Plus tard, je m’arrêterai près d’un groupe d’entre eux et j’écouterai un gradé expliquer que c’est de la barbarie. J’ai aimé cette image des militaires face à ces ruines avec le secret espoir qu’ils n’oublient jamais la part d’humanité qui est en eux.

« Sauf au prix d’une générosité aussi rare que le génie, on est toujours barbare envers les faibles »

Simone Weil, Réflexion sur la barbarie

 

Entrés dans le hall du Centre de Mémoire, nous sommes happés par ces murs tapissés de photos en noir et blanc de grande taille. Nous sommes happés par le noir funeste qui nous emporte dans ses méandres, dans la richesse des documents . Nous recevons là par le biais de l’exposition permanente un rappel essentiel du contexte politique et social d’avant-guerre, de la montée du nazisme, le contexte européen, national, régional, les massacres sur le front de l’Est,  pour finir avec le village lui-même  avant et après l’enfer. Dans la salle de projection, un film à la limite de l’insoutenable (mais nécessaire) nous  invite à réfléchir ; un peu sonnés, nos pas nous portent dans la salle de réflexion  où nous méditons sur les citations qui nous sont offertes. Certaines d’entre elles émaillent mon billet.Vous pouvez visiter le Centre de la Mémoire grâce au lien ci-dessous:

http://www.oradour.org/fr/content/histoire-du-centre

« Oradour ne fut pas un crime du délire mais la logique d’un système. Il faut se souvenir pour ne jamais revoir, vivre et bâtir un monde où le crime devienne déraison et raison la paix. »

Claude Roy 1949

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depuis le village martyr, le village reconstruit en face. Au 1er plan la nouvelle église.

à suivre…

La prochaine fois nous entrerons dans le village martyr où parfois surgissent des ombres:

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pas de trucage. Pas d’ombre des visiteurs, juste des ombres à silhouette humaine.

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expositions Transfert 2014/ miroirs

« Quelle connerie la guerre »…

Mercredi 11 novembre 2015, sur le chemin de la mémoire.

Nous visitons le village martyr d’Oradour-sur-Glane et dans ma tête revient en  boucle le mot : « barbarie ». Parfois la nuit, j’y repense et commence à se mettre en place le prochain billet.

 

Vendredi 13 novembre 2015, retour sur le chemin de la barbarie… PARIS

Le billet sur Oradour-sur Glane attendra son heure.

Je voulais y déposer en préambule les paroles de JACQUES PREVERT. Elles sont encore  et toujours de circonstance.

Paris, du mois de janvier, Paris du mois de novembre,  Madrid 2004, Istanbul… Massacres des innocents, injustices… La liste est longue, longue et n’en finit pas, tandis que Paris et Oradour-sur-Glane se superposent dans ma mémoire. Bien sûr je ne suis pas naïve  au point de faire des amalgames historiques qui n’ont pas de sens. Mais  des mots me hantent

Vengeance…

Inhumanité

Embrigadement

Fanatisme

Désir de domination…

« Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abimé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens »

et puis je relis aussi:

CHANSON DANS LE SANG

« Il y a de grandes flaques de sang sur le monde
où s’en va-t-il tout ce sang répandu
Est-ce la terre qui le boit et qui se saoule
drôle de saoulographie alors
si sage… si monotone…
Non la terre ne se saoule pas
la terre ne tourne pas de travers
elle pousse régulièrement sa petite voiture ses quatre saisons
la pluie… la neige…
le grêle… le beau temps…
jamais elle n’est ivre
c’est à peine si elle se permet de temps en temps
un malheureux petit volcan
Elle tourne la terre
elle tourne avec ses arbres… ses jardins… ses maisons…
elle tourne avec ses grandes flaques de sang
et toutes les choses vivantes tournent avec elle et saignent…
Elle elle s’en fout
la terre
elle tourne et toutes les choses vivantes se mettent à hurler
elle s’en fout
elle tourne
elle n’arrête pas de tourner
et le sang n’arrête pas de couler…
Où s’en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des meurtres… le sang des guerres…

le sang de la misère…
et le sang des hommes torturés dans les prisons…
le sang des enfants torturés tranquillement par leur papa et leur maman…
et le sang des hommes qui saignent de la tête
dans les cabanons…
et le sang du couvreur
quand le couvreur glisse et tombe du toit
Et le sang qui arrive et qui coule à grands flots
avec le nouveau-né… avec l’enfant nouveau…
la mère qui crie… l’enfant pleure…
le sang coule… la terre tourne
la terre n’arrête pas de tourner
le sang n’arrête pas de couler
Où s’en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des matraqués… des humiliés…
des suicidés… des fusillés… des condamnés…
et le sang de ceux qui meurent comme ça… par accident.
Dans la rue passe un vivant
avec tout son sang dedans
soudain le voilà mort
et tout son sang est dehors
et les autres vivants font disparaître le sang
ils emportent le corps
mais il est têtu le sang
et là où était le mort
beaucoup plus tard tout noir
un peu de sang s’étale encore…
sang coagulé
rouille de la vie rouille des corps
sang caillé comme le lait
comme le lait quand il tourne
quand il tourne comme la terre
comme la terre qui tourne
avec son lait… avec ses vaches…
avec ses vivants… avec ses morts…
la terre qui tourne avec ses arbres… ses vivants… ses maisons…
la terre qui tourne avec les mariages…
les enterrements…
les coquillages…
les régiments…
la terre qui tourne et qui tourne et qui tourne
avec ses grands ruisseaux de sang ».

Jacques Prévert, Paroles, 1946

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Exposition Transfert 2014/Juste une sensation personnelle, un parallèle.

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La caraque et le Pont de pierre

Bordeaux le 17 octobre 2015

La Nao Victoria est arrivée à quai depuis quelques jours déjà. Nous avons encore dans la mémoire l’image de L’Hermione et la première impression sera la surprise. Nous avons affaire à la réplique d’un bateau de 28 m parti naviguer en 1519, soit 2 siècles avant l’Hermione. La Nao Victoria est une caraque, vraie coque de noix de par ses petites dimensions et sa coque arrondie se terminant par une poupe effilée, qui ne l’ont pas empêchée de faire le tour du monde sur les traces de son aînée. Ses trois-mâts supportent 286 m2 de voile à déployer à la force des poignets. , Toutes les manœuvres se font à la main, comme au XVIème siècle avec 15 membres d’équipage seulement.

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une coque de noix

La première Nao Victoria du nom était partie de Séville, en 1519, au sein d’une flotte composée de 5 navires et 240 hommes sous le commandement de Magellan et Faleiro nommés capitaines par Charles 1er, futur Charles Quint . L’objectif fixé consistait à découvrir la route occidentale des îles aux épices (en Indonésie). Les équipages étaient constitués de plusieurs nationalités : des espagnols, portugais, italiens, grecs ou encore français…

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la proue

 

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la ligne effilée de la poupe

En 1522, seuls 18 hommes reviendront à bord de la Victoria après de nombreuses péripéties, mais sans Magellan tué lors d’une attaque par une flèche empoisonnée. Les instruments de l’époque : astrolabe, bâton de Jacob et cadran étaient utilisés pour mesurer la hauteur du soleil au-dessus de l’horizon et déterminer la position des bateaux. Pour mesurer la profondeur des fonds marins, on utilisait une sonde ou plomb de sonde.

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la noire Victoria dans le port de la lune

Il faudra attendre 58 ans pour connaître le 2 ème tour du monde  à la voile. Le Détroit de Magellan, ouvrant le passage vers le Pacifique, quant à lui, sera abandonné pendant plusieurs siècles.

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au plus près de la coque

L’ensemble du voyage est connu grâce à des documents d’époque, notamment Le Journal de Magellan rédigé par un des survivants.
La réplique de la Nao Victoria a été présentée à l’exposition universelle à Séville en 1992 après 8 mois de travaux intensifs. En 2006, après 2 ans passés sur les mers du globe, la Nao Victoria devient la première réplique de navire à avoir fait le tour du monde.

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carte trouvée sur le net

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La hune d’un mât

Fernand Magellan à l'honneur

Fernand de Magellan à l’honneur

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silhouette de la Nao Victoria

Nous avons eu la chance de pouvoir monter à bord et de pouvoir faire quelques photos malgré l’affluence bien compréhensible. Sur le navire, une exposition retrace l’aventure avec panneaux explicatifs, fac-similés de documents, visite des différents ponts et de la cale, reconstitution des lieux de vie.

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la cabine du commandant de bord

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Les couchettes des hommes de bord dans la cale

J’étais très heureuse d’avoir pu monter à bord mais je suis décidément une femme de terre ; je n’ai pu profiter à plein de la visite car la Nao Victoria bougeait; surtout sur le pont supérieur… Alors j’ai imaginé le tour du monde avec le plancher courbe, le roulis, le tangage…

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aiguillot et gouvernail

« Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse
Et roule bord sur bord et tangue et se balance,
Mes pieds ont oublié la terre et ses chemins
Les vagues souples m’ont appris d’autres cadences
Plus belles que le rythme las des chants humains. »

écrivait Jean de la Ville de Mirmont… Je ne suis pas faite de cette étoffe-ci: mes pieds n’avaient qu’une hâte: retrouver la terre ferme.

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ancre et cordages.

photos M et J Ladrat

 

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les souliers tournent comme les ailes d’un moulin

♦♦♦

Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé,
Ils m’ont porté de l’école à la guerre
J’ai traversé sur mes souliers ferrés,
Le monde et sa misère.

2.
Moi, mes souliers ont passé dans les prés,
Moi, mes souliers ont piétiné la lune,
Puis mes souliers ont couché chez les fées
Et fait danser plus d’une.

3.
Sur mes souliers y a de l’eau des rochers,
D’la boue des champs et des pleurs de femmes,
J’peux dire qu’ils ont respecté le curé,
L’pays, l’bon Dieu et l’âme.

4.
S’ils ont marché pour trouver l’débouché,
S’ils ont traîné de village en village,

Suis pas rendu plus loin qu’à mon lever,
Mais devenu plus sage.

5.
Tous les souliers qui bougent dans les cités
Souliers de gueux et souliers de reine,
Un jour cesseront d’user les planchers,
Peut-être cette semaine.

6.
Moi, mes souliers n’ont pas foulé Athènes,
Moi, mes souliers ont préféré les plaines;
Quand mes souliers iront dans les musées,
Ce s’ra pour s’y,s’y accrocher.

7.
Au paradis, paraît-il, mes amis,
C’est pas la place pour les souliers vernis,
Dépêchez-vous de salir vos souliers
Si vous voulez être pardonnés…(Bis)

Felix Leclerc

https://www.youtube.com/watch?v=0wcLjT4nZQo

♦♦♦

En ce moment, et ce, depuis le mois d’août, je suis très souvent sur les routes, les autoroutes, les chemins de campagne. Les kilomètres défilent entre Bordeaux et les Landes, entre Bordeaux et le Bassin d’Arcachon, mais sans jamais apercevoir ce dernier. Même le Chemin des Houx n’accueille plus mes petites promenades. Parfois, j’aperçois un chevreuil dans la lande. Ou bien je comprends que le cerf à l’imposante ramure aperçu par les voisins sous les pommiers,  est venu aiguiser ses bois dans les sapins et à défaut de bois a laissé des branches au sol.

Mais que dire de l’apparition de ces souliers suspendus dans les airs, comme des notes sur la portée du vent.

La première fois que je les ai aperçus, ils taquinaient les fils électriques bien au-dessus d’une petite route de campagne dans les grands champs du nord des Landes… Mais je n’avais pas mon appareil photo ! Depuis, le vent a soufflé si fort qu’ils se sont réfugiés contre les pylônes.

Toutes les hypothèses sont permises : l’individu at-il voulu taquiner les étoiles, conter fleurette à la Fée Electricité ou s’envoler en suivant la course des nuages ? Etait-il sur le dos d’une grue cendrée rentrant prématurément vers le nord ? Peut-être était-ce l’enjeu d’un pari, d’un lancer de basket… Il existe bien des concours de  lancer de tongs !

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Un géant est-il passé par-là?