« Tu peux être Dieu des chiens, Dieu des chats, Dieu des pauvres. Il te suffit d’une laisse, d’un peu de mou, de quelque fortune, mais tu ne seras jamais maître de l’arbre. Tu ne pourras jamais que vouloir devenir arbre à ton tour.
Georges Perec
Je reprends le fil de la reforestation là où je l’avais laissé, fin 2019.
Dans les parcelles replantées au printemps 2018, qui se trouvent sur d’anciens champs de la ferme, c’est une tout autre histoire que dans les plantations de landes.
A l’automne 2018 et au printemps 2019, cela nous a donné beaucoup de fil à retordre. La composition du sol étant différente, au printemps, il y pousse de grandes plantes invasives qui finissent par cacher les petits pins, malgré le passage du tracteur équipé du débroussailleur rotatif.
Nous avons tenté l’arrachage manuel ensuite, mais peine perdue.Les plantes ont eu le dernier mot et peut-être est-ce un bien pour un mal. L’avenir le dira et nous avec car nous découvrons l’avenir des plantations au fil des saisons. En tous cas, les petits pins étaient invisibles l’été, pour nous et pour les nuisibles.
AUTOMNE 2018 et début d’hiver: avec la saison douce, sans gelée notable, les chevreuils et les sangliers s’en sont donné à cœur-joie.
Nous avions fait protéger les plantations de 2018 par un fourreau contre les lapins sauvages… que nous n’avons jamais vus depuis.
Cela ne nous fut pas d’un grand secours devant l’activité infernale et récurrente des sangliers. Les parcelles étant bordées de chênes, les sangliers venaient labourer le terrain pour trouver les vers restés proches de la surface par absence de gelées et bien sûr les glands.
Terrain retourné, jeunes plantations arrachées par sans doute la laie et les marcassins, entre mes passages, les jeunes pins restaient une semaine les racines à l’air!
Chaque semaine, jusqu’à l’été 2019, j’ai parcouru le terrain, essayant de replanter les pins, parfois jusqu’à 80 à la fois. Il a fallu en remplacer un certain nombre.
Certains jours, je luttai aussi contre le vent qui couchait les jeunes plants devant mes yeux.
Sacrée galère…
Autant vous dire que la pousse s’en ressent! Beaucoup de jeunes plants sont morts, bien plus que ce qui était prévisible.
A la suite d’une lecture, nous avons même tenté quelque chose pour dissuader tout ce monde (sauf le vent : soupir!). Nous avons demandé à notre coiffeuse de garder le résidu des coupes de cheveux. J’ai alors confectionné des petits sacs de toile et nous les avons placés aux endroits de passage des suidés et des cervidés.
Cela semble marcher… A moins que les bêtes aient changé de restaurant… Ou que les Herbes aient rendu les pins invisibles!
En tous cas, soyons positifs, j’ai pu constater en 2019, la présence de petites bêtes qui me ravissent: coccinelles, papillons divers. Et lorsque je parcours ces terres, je suis solitaire et heureuse. J’écoute le chant de la brise dans les chênes, je respire à pleins poumons, je me ressource. Au printemps, le chant du coucou m’accompagnait, mais je n’ai pas fait comme mon grand-père qui lorsqu’il l’entendait pour la première fois de la saison, se roulait dans l’herbe pour fêter le renouveau!
AUTOMNE 2019: depuis un mois maintenant, il pleut, il vente. Les pins ont les pieds dans l’eau. Les fossés débordent et nous ne pouvons voir encore les dégâts éventuels des tempêtes et des sols détrempés.
DÉBUT 2020: la situation n’a guère évolué, mais nous devenons fatalistes.
Je relis » LA VIE SECRÈTE DES ARBRES » de Peter Wohlleben , lecture qui me bouscule parfois.
En conclusion, les arbres n’aiment pas les grands changements climatiques: trop d’eau en hiver asphyxie leurs racines, un déficit d’eau au cours des étés toujours plus chauds ne leur est pas bénéfique non plus.
Pour nous, plus de questions que de réponses, mais nous ferons tout pour préserver ces petits coins de forêt utiles à l’homme… si parfois, les éléments veulent être un peu de notre côté.
Vous l’aurez compris, à notre niveau, nous ne sommes pas dans une démarche de rentabilité; nous œuvrons pour le futur parce que nous connaissons les bienfaits de la forêt. Sans le plan Chablis (nettoyage et reboisement), nous n’aurions rien pu faire, ou très peu.
Légèreté de l’oiseau qui n’a pas besoin pour chanter de posséder la forêt, pas même un seul arbre
Christian Bobin