A quelques heures de là, sur une petite route étroite de campagne, sur les champs à perte de vue, le ciel efface les dernières heures du jour.

Les nuages flottent à portée basse et galopent au-dessus de nos têtes. Pas un bruit. Parfois un chevreuil s’aventure, à la recherche d’un point d’eau ou bien un héron  fouille le fossé. Au loin, les nuages se font plus pressants en direction de l’océan.

Et j’ai une pensée pour Saint-Exupéry qui connut ces contrées.

Quittant mon village « où la vie s’écoule comme du miel« *, je relis, sur fond de nuages un passage de TERRE DES HOMMES:

« Aussi nous interdisait-on, sous peine des sanctions les plus graves, le survol des mers de nuages au- dessus des zones montagneuses. Le pilote en panne, s’enfonçant dans l’étoupe blanche, eût tamponné les sommets sans les voir.

-C’est très joli de naviguer à la boussole, en Espagne, au-dessus des mers de nuages, c’est très élégant, mais…

Et plus lentement encore:

-…mais souvenez-vous: au-dessous des mers de nuages… c’est l’éternité.

Voici que brusquement, ce monde calme, si uni, si simple, que l’on découvre quand on émerge des nuages, prenait pour moi une valeur inconnue. Cette douceur devenait un piège… »

Texte d’Antoine de Saint-Exupéry

*Citation relevée par Pierrette Ronteix dans son tome I sur Parentis-en Born

Bleu, blancs, l’ombre

Sur l’autoroute du ciel

la fuite linéaire des nuages.

A saute-mouton sur les dents de loup

De la frise du temps

Comme notre vie

Tambour battant.

Noire était l’ombre

Et au loin

S’enhardissait  le vent de cime en cime.

Jeu.

Adossée contre le géant

de soixante-dix ans

Me dardaient mille rayons solaires

en plein cœur.

Maïté L

Mes remerciements vont à  Pierrette Ronteix-Chevody, auteure des livres Parentis-en-Born I et Parentis-en-Born II aux Editions  Sutton, qui a accepté de publier ces cartes postales faisant partie de sa collection personnelle.

Première photo: l’orme au début du XIXème siècle.

Deuxième photo: l’orme après la dernière  guerre.


Il y a parfois des rendez-vous ratés. Ma dernière rencontre souhaitée avec l’orme fait partie de ceux-ci. Je regrette d’être passée si près de lui sans avoir pu prendre le temps de le photographier une dernière fois.

Le journal Sud-Ouest a publié ces jours derniers un article en forme d’adieu. L’orme est mort, victime de la graphiose qui le rongeait depuis quatre ans. Il s’est endormi l’hiver dernier et ne s’est pas réveillé au printemps.Cet arbre vieux de six siècles porte en lui une partie de l’Histoire et des légendes  gasconnes.

Cette histoire  se passe au temps du Prince Noir…Vainqueur à Poitiers en 1536, il règne en seigneur sur l’Aquitaine…

La légende de l’orme*

« Vers 1450, Adeline jeune et jolie bergère, promenait en ces temps moyenâgeux son troupeau. Vers midi, lorsque le soleil invitait au repos, elle conduisait ses brebis là où l’eau limpide de la lande leur permettait de s’abreuver. Elle s’étendait volontiers là à l’ombre des jeunes chênes et y croquait paisiblement son pain de seigle au fromage blanc.

Déjà bien des bergers tournaient autour d’elle mais son cœur avait déjà fait son choix. Pierre qui poussait aussi parfois son troupeau sur les rivages du Pit vers le Nord, non pas parce que l’herbe y était grasse, mais parce qu’il y avait Adeline.

Tandis qu’elle faisait quenouille, Pierre du haut de ses échasses, surveillait les deux troupeaux. Ils étaient heureux et venaient là oublier l’oppression de l’occupant anglais. L’automne vint et Pierre dut partir avec son troupeau vers la vallée de l’Adour où les pâturages étaient moins sensibles aux rigueurs de l’hiver. Avant son départ, il promit à Adeline de revenir pour Pâques et de l’épouser à la Saint Marc. Mais durant cette absence, un bel officier anglais se montra très, intrépide à faire la cour à Adeline qui restait insensible à toutes ses avances. Mais les langues commençaient à jaser. L’Anglais ne parvenant pas à ses fins, décida de se venger. Il affirma avoir vu Adeline en flagrant délit de taillis.

En ces temps très sévères sur les mœurs, toute fiancée qui fautait encourait de graves châtiments allant jusqu’au déshonneur public. La calomnie fait toujours son chemin, elle s’insinue et pénètre les esprits semant le doute et l’incertitude. Adeline fut traduite devant le conseil des Anciens. Malgré ses protestations et ses serments rien n’y fit l’Anglais persistait.

Adeline fut condamnée à rester trois jours exposée nue sur un tonneau contre l’orme de la place. Trois jours à subir les moqueries et sarcasmes des passants. La sentence fut du Samedi Saint au lundi de Pâques. Pierre, de retour, entend parler de ce qui se passe à Biscarrosse. Il décide de revenir vite et parvient au pied d’Adeline attachée sur le tonneau devant l’orme. Elle lui crie son innocence. Tout à coup sa tête retombe sur sa poitrine. La honte vient de la tuer.

A ce moment là, juste au-dessus de sa tête à même le tronc de l’arbre apparaît miraculeusement une couronne blanche symbole de l’innocence.
Depuis une couronne blanche fleurit tous les ans au mois de mai au même endroit. »

*inspirée de la légende orale recueillie par l’abbé Lapeyre.

L’orme en 1975

Bien sûr, vous pouvez, comme dans chaque article, cliquer sur les photos pour les voir à la taille normale.

Et vous retrouverez cette légende ainsi que des photos de l’orme  en suivant les liens:

http://www.biscarrosse.com/La-legende-de-l-orme

http://krapooarboricole.wordpress.com/2009/04/24/le-vieil-orme-de-biscarosse-landes-la-couronne-de-fleurs-legendaire/

Entre l’écorce

et la peau

Une douce chaleur.

Et le doigt suit

Pensivement

la géographie

De l’arbre.

Des rides,

Des larmes,

Des rivières,

Des volcans

De laves odorantes

S’agrippent

à ma peau.

****************

Au-delà des apparences

A la recherche du  sens …

… Je comprends de l’arbre, l’axe de raison ;

Si l’insensé de l’homme suffisant

piétine la rondeur de la terre,

Sans écouter le langage sous-jacent

Les marques du temps font de l’arbre un prince

Sûr de son empreinte, comme un roc l’hiver,

Il n’a de cesse de  tendre  vers l’impalpable du ciel.

A la croisée des  deux mondes

Son tronc, ce  dessein  d’écorce,  ce parchemin

Où s’écrivent les pleurs, les heures, les souffrances

Garde  tout en  mémoire, comme un matin aux volets clos.

Il est ainsi,

Pour mieux écouter et sauvegarder le monde

Et page à page il  laisse couler  la sève libératrice,

Ses branches passant, par-dessus les murs,

Les guerres  des hommes, les chevauchées fantastiques

Et Les replis refuges de vies minuscules.

Tronc de solitude, graines de croyances

L’humanité  t’embrasse de son regard d’indifférence

Et de ses mains avides vient se nourrir de  ta force.

Arbre,

Il faut nous parler de ta verticale quête

Mêler nos humbles  mots à tes racines

Enfouies au plus profond de l’invisible matière

Là, où l’homme doute, trébuche  et tombe face contre terre.

Au sombre envers du décor, toi, l’arbre

paré  d’éphémères  jeux de lumière

Arbre refuge de tous  les cris étouffés

Arbre espérant la jeunesse  des rires d’enfants,

Arbre d’immortalité, nourri de tous les printemps d’oiseaux,

Tu  donnes tout simplement

du temps aux temps immémoriaux.

Maïté L

Fragments ici et là.

Papier monnaie du temps qui passe.

Caramel ou anthracite

Bronze craquant sous les semelles

Qui connaît les matins de brume

Accrochés aux pinèdes ?

Plus réelles que les flammes du couchant

Les aiguilles mikado de notre enfance

Enfilez, filez les aiguilles de bois

Et nos mains et nos rêves

Déchiffrent le langage des signes

Le feu dans la gorge

Et au fond la peau tatouée résine.


Tous les tuyaux du vent ont croqué

Le bois de l’hiver

Et le vert printemps.

Et pour chanter l’été, la flûte de Pin

A  composé sur les aiguilles sèches,

Une portée de notes grises et quelques notes creuses.

Callune,  bientôt viendra, jeter ses frêles clochettes

Dans  l’orgue à parfums roulant abeilles,

A la barbe et au nez des sous-bois. Alors,

Musique vermeille à la poursuite de l’automne

Entendra la mesure de nos pas vagabonds:

Le bois à terre occulté, crécelle des cimes et du ciel.

Champignons et pommes de pin sur les chemins

Les ombres en accordéon, nuages là-haut.

Fin des cigales. La crainte en silence. Le feu. Les chenilles.

Tous les tuyaux du vent ont rendez-vous dans les cimes.

Ecoute la portée grise de la flûte de Pin.

Maïté L


Les hirondelles, petites boules de poil pesant autour de 20 grammes et dont nous admirons les ballets incessants dans nos campagnes, lorsqu’elles ne sont pas trop polluées par les pesticides, nous captivent par leur habileté, leur fidélité et leur aptitude au voyage migratoire.

Mais pourquoi migrer? Pourquoi parcourir 10000 km à vol battu, ailes toujours en mouvement, pour rejoindre l’Afrique?Il faut chercher l’explication dans le régime alimentaire de l’hirondelle: elle ne mange que des insectes volants qui abondent en Afrique en hiver et disparaissent chez nous.

Mais l’hirondelle revient fidèlement chez nous car en Afrique, il semble que la concurrence pour trouver son nid soit rude: il y a là-bas beaucoup d’espèces indigènes d’hirondelles(37 dit-on).

Leur itinéraire a été découvert tardivement en France, grâce au baguage(1911).

C’est le naturaliste Buffon qui le premier qui, en France a considéré ces oiseaux scientifiquement.Dans l’Antiquité, on pensait que les hirondelles hibernaient dans la vase.

Les hirondelles sont très occupées à donner la becquée à leurs petits et nous avons pu l’observer fin avril, elles ne s’arrêtaient jamais. Ensuite elles n’auront de cesse d’accumuler quelques grammes de graisse. Leur journée sera consacrée à la chasse avec un vol plus ou moins bas selon le temps. Le soir parfois, surtout lorsque arrive la fin de l’été, on les voit sur les fils électriques. Elles préparent leur départ.

Il serait intéressant de savoir si elles vont toutes jusqu’en Afrique ou si certaines d’entre elles ne choisissent pas un voyage intermédiaire. Compte tenu d’hivers moins froids, les ornithologues de la Réserve de Bruges(33) nous ont expliqué que le voyage de  beaucoup d’oiseaux migrateurs s’arrête actuellement grosso modo à mi-chemin.

Je me souviendrai toujours de mon grand-père maternel qui guettait l’arrivée du printemps. Lorsqu’il entendait le coucou, il se roulait dans l’herbe jusqu’à un âge très avancé. Quand il percevait les pépiements des hirondelles et leurs ballets incessants, il sortait la grande échelle et allait les saluer sous l’avancée du toit de la grange, bien haut! à quatre-vingt-dix ans il le faisait encore au grand désespoir de ma mère qui craignait la chute. Mais il avait(très) bon pied bon œil et les hirondelles étaient ses amies!

Les deux premières photos ont été prises au Canon(30 avril). Les deux autres dans le vignoble de Picque-Caillou, près de Bordeaux.