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« L’être voué à l’eau est un être de vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s’écoule…
L’eau coule toujours, l’eau tombe toujours, elle finit toujours en sa mort horizontale. »
Bachelard/L’Eau et les Rêves
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Lorsque l’architecte-urbaniste Michel Courajoud a réalisé en 2006 cet espace constitué de dalles de granit entre la Place de La Bourse et la Garonne, il ne pensait pas que le miroir de cette belle fontaine susciterait un tel engouement. Petit clin d’œil à Venise et à la Place Saint-Marc, désir de faire que la ville se dédouble dans son miroir jour et nuit et s’ouvre au monde de l’imagination en tutoyant le ciel, le concept allait enchanter les spectateurs au-delà de toute espérance et porter aux quatre coins du monde cette parole d’eau, de fraîcheur et d’humanité se dégageant de ce paysage urbain.
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Aujourd’hui, plusieurs villes françaises comme Nantes et Nice mais aussi étrangères comme Québec ou Brasilia souhaitent bâtir un projet similaire. Des pays comme la Chine ou la Russie s’informent.
Le miroir d’eau fonctionne en dehors des périodes hivernales, en l’absence de gel et de vent signalé par le biais de capteurs.
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Sur la dalle sèche aux couleurs d’ardoise, de 130 m sur 42m, se met en place un cycle de 15 mn conduisant à l’effet magique. Un chuintement caractéristique annonce les volutes de brume ; elles sortent d’abord des buses de la dalle jusqu’à produire un brouillard donnant une dimension nouvelle au paysage tout comme aux personnes attirées ici, comme par des aimants. Puis, la brume s’estompe, bientôt deux centimètres d’eau recouvrent les dalles de granit pour cet effet de miroir d’eau qui s’accompagne d’un aspect hautement ludique pour petits et grands.
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Le miroir d’eau est le passage obligé des touristes venus admirer les reflets de la Place de la Bourse de jour comme de nuit. Il est aussi l’accroche du regard des bordelais qui se promènent sur les quais si agréables depuis leur réaménagement.
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Michel Suffran se désolait que le brouillard ait déserté Bordeaux :
« Ces journées hors du temps dans les feuillages duveteux, sont à ranger, elles aussi, au rang des vieilles lunes. »
C’était avant la sublimation de la ville dans sa fontaine d’exception le jour ou bien lors des nuits de complicité avec la lune, si près du Pont de pierre, sous l’œil des lanternes aux reflets changeants.
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Malheureusement ces derniers temps, la proximité du miroir d’eau a été entachée par la disparition tragique de jeunes hommes, par la présence de tous ces jeunes fortement alcoolisés qui en ont fait un lieu de rassemblement à la nuit tombée alors que la Garonne n’est qu’à quelques pas. Il est devenu un problème de sécurité publique et cette situation préoccupe édiles et bordelais.
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Mais, sous cette dalle, en sous-sol, se cache un mécanisme complexe et sophistiqué permettant d’alimenter le pavage en eau : ce sera l’objet d’un prochain billet.
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Maïté L
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