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Ils s’en sont allés vers les berges
Parés de leurs capes d’ombre.
Ils sont partis vers leurs destins
Faisant de ce voyage immobile
un cheminement au gré des racines.
Princes s’ordonnant en bouquets
Chevaliers de l’été au feuillage léger
Ils laissent vagabonder leurs vrilles
Sans jamais se retourner sur l’immensité
Des eaux du lac où s’égare notre regard.
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« Les arbres ne sont pas immobiles. Ils ont l’air de dormir, comme cela, d’un sommeil épais qui dure des siècles. Ils ont l’air de ne penser à rien. Le petit garçon, lui, savait bien que les arbres ne dormaient pas. Seulement ils sont un peu farouches et timides, et quand ils voient un homme qui s’approche, ils resserrent l’étreinte de leurs racines et ils font le mort. Ils sont un peu comme les coquillages à marée basse qui s’agrippent sur les vieux rochers chaque fois qu’ils entendent le bruit des pas d’un homme qui avance. »
Le Clézio, Voyage au pays des arbres »
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Mais lorsqu’une femme s’avance d’un pas plus léger, lorsqu’un enfant s’avance avec le regard du cœur, il en va tout autrement.
Le petit garçon le sait bien qui compte les grains de sable blond, l’oreille de Cybèle greffée à son côté.
Le poète dans l’âme s’arrête. Il écoute. Il entre en communion avec les éléments : ciel, terre, eau, il va de l’un à l’autre messager d’espoir. Il sait que quand il reviendra, il aura là sa place au creux du sable blond.
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Les chevaliers d’ombre et de lumière
Ont mis en selle sur leurs destriers
Tous les chants de la terre
Des landes et des mystères.
Ils se sont dressés sur les barques
Où les grains de sable et les algues
Nous parlent d’une Histoire
Où la vie originelle s’insinue
entre les reflets emplissant l’onde
de leurs doigts protégeant le monde.
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« Regarder en poésie, c’est se donner droit au revers des images.
L’eau qui s’ouvre aux reflets de ce monde et les prolonge infiniment, l’eau qui va sans cesse est sœur de poésie. »
Andrée Chedid, Textes pour un poème.
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