Marina, Awilda, Paula, Sanna, Nuria, Irma et les autres :
Des jeunes filles à la mère à l’enfant…
« Seul le visage… »
« J’ai rêvé ma vie dans le corps d’une felle. »Femme »est un mot bien assemblé, le nom de tout ce qui s’assemble, fait corps et vient au monde. Le nom de ce qui n’est pas mémoire. Le nom de celle qui d’un rien tombe enceinte. Le nom de ce qui souffre chaque fois qu’il se sépare. Un nom courbe qui arrondit le temps. Le nom de la terre même qui nous porte, de l’eau où nous aimons nager et de l’air que nous respirons. Femme : celle qui de toute chose fait un enfant. »
JEAN-MICHEL MAULPOIX/ L’INSTINCT DE CIEL
Au fil des lectures, j’ai aimé découvrir que JAUME PLENSA aime la poésie et notamment BAUDELAIRE. Ce fut donc l’occasion de relire en partie ce poète afin de comprendre quels poèmes auraient pu l’inspirer.
Mais consciente comme ANDRÉE CHEDID que
« Derrière le visage et le geste
Les êtres taisent leur réponse
Et la parole alourdie
De celles qu’on ignore ou qu’on tait
Devient Trahison
Je n’ose parler des hommes je sais si
Peu de moi… »
J’ai laissé libre cours à mon imagination qui s’est chargée de faire le vagabondage entre divers poètes qui auraient pu aussi inspirer JAUME PLENSA. Certains poèmes m’ont accompagnée, ont resurgi à maintes occasions de hasard ou de rencontres même éphémères comme celui-ci :
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
VERLAINE
Mais de BAUDELAIRE, j’ai choisi sans hésiter :
À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?
Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!
CHARLES BAUDELAIRE. LES FLEURS DU MAL
Il y a toutes ces femmes de la rue, ces inconnues plurielles qui gourmandes, avalent le temps en courant d’air, sans s’arrêter devant les statues de bronze et puis toutes celles qui se souviennent du visage lisse de leurs vingt ans, celles qui aimeraient s’entretenir avec JAUME PLENSA pour croiser les mots en poésie ou qui cherchent dans les prunelles de PAULA ou de SANNA les reflets de passion croqueuses de vie. Il y a toutes celles que ces femmes de bronze, d’encre ou de résine touchent au cœur parce qu’elles sont dans le sillage de LA FEMME dont le mouvement est amplement suggéré.
« Entre l’instant vécu et l’instant à vivre,
S’inscrit notre visage éternel. »
ANDRÉE CHEDID/Tels que nous sommes
Il y a tous ces dialogues entre hommes et femmes de la rue et les sculptures, ce chant entre la mère et l’enfant dans les estampes.
…Ecoutons en silence ANDRÉE CHEDID évoquer ce dernier tableau :
« Ma lande mon enfant ma bruyère
Ma réelle mon flocon mon genêt,
Je te regarde demain t’emporte
Où je ne saurais aller. »
ANDÉE CHEDID/ Brève invitée, à ma fille
Et puis la nuit enveloppe la ville et les sculptures.
Elle moule les femmes au visage de flamme
comme une bougie qui leur dessinerait une aura.
Dans leur grotte de lumière
Elles ombrent le ciel
Des fleuves lisses qu’épargnent les affres du temps.
« L’homme qui combat avec armes et lanternes,
L’homme qui succombe, plaies et cavernes,
Renaît avril des batailles ,
Bleu des larmes, profonde fleur.
Seul le visage est notre royaume,
Son jour traverse nos nuits. »
ANDRÉE CHEDID : Seul, le visage
(à suivre)