Marine
Les chars d’argent et de cuivre
Les proues d’acier et d’argent
Battent l’écume.
Soulèvent les souches des ronces.
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l’est,
Vers les piliers de la forêt,
Vers les fûts de la jetée,
Dont l’angle est heurté par des tourbillons de lumière.
ARTHUR RIMBAUD
BRIBES
Arrivée à la plage.
Juste de passage avec ma grand-mère en robe noire , noire et blanche, comme il se doit. Beaucoup de noir et si peu de blanc: juste quelques fleurs blanches discrètes ou des pois minuscules. Chignon de rigueur.Foulard à portée de main.
Pique-nique sur le sable,une glace en guise de dessert à la baraque proche de la dune où un perroquet se tient sur son perchoir. Ensuite, j’aurai toujours envie d’un perroquet que je n’aurai jamais: fascination de la parole?
Et juste le droit de m’approcher de toi, la mer, pour que tu ne m’emportes pas dans tes profondeurs.Premières lunettes qui, une fois enlevées me plongent dans un monde hostile, sans repères; un monde flou sans limites et qui gronde.Ce n’est pas grave: l’eau de mer n’a le droit d’approcher que jusqu’au cou…Et les lunettes rendent ce monde magique. Un peu la même sensation éprouvée, décrite par Jean-Pierre SIMEON dans la préface de son livre LA NUIT RESPIRE:
« La poésie c’est comme les lunettes. C’est pour mieux voir.Parce que nos yeux ne savent plus, ils sont fatigués, usés.Croyez-moi, tous ces gens autour de vous, ils ont les yeux ouverts et pourtant petit à petit, sans s’en rendre compte, ils deviennent aveugles. »
Et il ajoute:
« Il n’y a qu’une solution pour les sauver: la poésie. C’est le remède-miracle: un poème et les yeux sont neufs. Comme ceux des enfants.«
J’aimais ces moments avec ma grand-mère.Les escapades maritimes étaient rares mais il y avait tant et tant de jours côte à côte, tant de complicité…Je lui ressemblais disait-on: est-il possible de finir par ressembler à ceux que l’on aime très fort?