Derrière les roseaux, une autre scène se préparait. La marée nourrissait l’espace mètre après mètre; Le soir venait en renoncement au jour. Le domaine de Certes s’endormait dans ses coins secrets. Côté Bassin, tout allait se jouer. Les rares promeneurs cédaient la digue: la frontière entre deux mondes antagonistes;la digue au-delà de laquelle les chasseurs se mettaient à l’affût. Comme le dit l’un d’entre eux, fusil prêt à la détente, si les canards et autres sarcelles s’aventuraient hors de leur espace protégé, ils entreraient dans le champ de tir et deviendraient gibier. Il avait suffi d’une coloration subite du ciel; il avait suffi que le bleu ait moins de pouvoir pour que le renversement d’influences s’opérât.
Heureusement , tout le temps que dura le coucher du soleil, nous n’entendîmes pas un seul coup de feu.
Horreur et peur des armes.
« L’azur, certains soirs, a des soins de vieil or. Le paysage est une icône » écrit Jean-Michel Maulpoix; il trouve tant d’échos en nous tous avec son bleu qui est aussi le nôtre.Une icône, qui comme beaucoup d’icônes venait là de perdre sa valeur sacrée avec l’apparition du soir. Comme souvent, les icônes sont voisines des armes.
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