La journée est de pluie et le tableau d’île voilé,
La glaise est lourde au royaume des oiseaux
Des roselières et des palus où l’homme
Pour quelques heures joue les « îlouts »,
Passager éphémère d’une nature à pas comptés.
Journée grise immaculée au ciel « froncé »
Dit le guide. Taillée dans le matin frileux
A gouttes sur le nez et capuches serrées.
De Blaye vers la barre verte posée sur l’estuaire.
A l’Île Nouvelle via le ponton nous accostons
La palette émergera dans les ocres intimes
Les verts légitimes et l’automne virant au marron.
Les gris ne sont pas si gris lorsque à tire d’ailes,
Lorsque dans les roselières se dandinent les hérons.
Première image, une promesse d’île contée
Parfum d’île abandonnée dans le silence momentané.
Le village s’est refermé près du grand chêne déployé
Les maisons craquelées, les chais et l’école isolée.
Nous ne verrons ni le puits ni la chapelle écroulée
Mais notre cœur se serre, s’émeut devant le passé.
Nous sommes nous aussi à la merci du batelier
Passeur d’île et de continent, au gré des marées.
Nous marchons nous aussi dans les pas des « îlouts »
A la rude vie solaire que jamais n’atteignait la gelée
Mais dont la vigne savait l’effet salutaire du pied mouillé.
Restait le tour de l’île Sans Pain. Parfois un œil sur la Gironde se glisse :
Derrière les frondaisons doucement elle se dévoile.
L’eau si prégnante et les reflets, ce paysage de marais
D’où s’échappe en biais un faisan jusque là embusqué.
Vol de milans noirs planant hors de notre portée,
A eux le ciel, taches noires virevoltantes sur fond gris appliqué
Et bientôt la mangrove et les branches emmêlées.
Sur la digue il faut se hâter, voir à nouveau le village se dessiner ;
Mais pouvoir voler encore quelques instants précieux et secrets
A cette île au matin en demi-teinte à peine esquissée
Avant de repasser sur le ponton de bois et s’en aller
C’est ouvrir la porte dans la sérénité
A l’archipel de nos rêves perlés. Oserons-nous les avouer ?
Le 8 octobre 2010
à suivre…