13 décembre 1945
« La nuit, la neige est soudain tombée,
le matin commence avec des corbeaux
qui s’envolent de branches toutes blanches.
Hiver à perte de vue dans la plaine de Brousse:
on pense à l’infini sans fin ni commencement.
Ma bien-aimée,
la saison a changé d’un bond
et sous la neige,
fière et laborieuse,
la vie va son train.
Être dehors maintenant
lancer mon cheval au grand galop vers les montagnes…
–« Tu ne sais pas monter à cheval! » me diras-tu.
Mais assez plaisanté et ne sois pas jalouse.
Une manie nouvelle m’est venue en prison:
j’aime la nature– bien moins que je t’aime.
Et vous êtes toutes deux loin de moi. »
NÂZIM HIKMET/ IL NEIGE DANS LA NUIT
Il neige
Incroyables papillons d’hiver
Ont embrassé lavande papillons d’été
Baiser de feu dans
Petit matin dans
la lumière ocre
Un rideau de virgules serpente
D’étoiles blanchies une à une
Autour du lampadaire
A la poudre du mythe
Un souffle de silence
Froid-mais est-ce vraiment le froid ?
Frais- sous la main, sous la langue
Petites vagues à suivre des yeux
Et puis bientôt tout est lisse
Craque sous les pas
Marcher fait crisser la neige
Qui danse encore avant l’oubli
et glissent les heures
D’infini silence, blanches heures
Qui
Pas après pas mènent
irrésistiblement vers
le Pont
Immuable sur Garonne figée
Aux abords les mouettes criardes
Et les passants étonnés
D’image en image le jour se consume
Au bord de la parenthèse habillée de telle parure
Le Pont s’immobilise et givre : il est mi-jour
Solitaire
Soliloque
sur bords d’eaux
Une fois n’est pas coutume.
Maïté L